Jamais préparé, toujours prêt

« Jamais préparé, toujours prêt » c’est avec ces mots qu’un de mes professeurs faisait comprendre l’état d’esprit avec lequel aborder la pratique. Cela faisait bien entendu référence à l’état de corps optimal pour débuter un mouvement. Dans l’univers chaotique du combat il faut pouvoir agir immédiatement et sans appels…

C’est souvent une gageure pour le débutant. Trouver cette posture, cette garde sans garde, permettant de bouger immédiatement – sans pour autant se trouver dans un équilibre instable – est un véritable casse-tête. Cette posture physique nécessaire à la pratique, fait écho à une posture mentale que l’on se doit d’avoir pour aborder l’étude des arts martiaux.

À quoi se prépare-t-on ?

Être toujours prêt est une bien belle idée, mais prêt à quoi ? Prêt à une bagarre de rue, prêt à une compétition, prêt à suivre un cours ?

Il est évident que l’on ne peut se préparer à toutes les éventualités. Tout simplement car celles-ci requièrent parfois des préparations antagonistes. De la même manière, il est impossible d’être constamment prêt. En revanche, la pratique doit développer notre capacité à « switcher » instantanément. Cela donne ainsi l’illusion d’être toujours prêt, alors qu’en réalité il s’agit « simplement » d’une capacité à obtenir une concentration extrême très rapidement.

Corporellement ?

Bien entendu il est impossible d’être « échauffé » instantanément. Certes le corps a des capacités surprenantes et la sécrétion d’adrénaline permet d’accélérer notre rythme cardiaque rapidement. On ne peut être constamment toujours prêt « corporellement ». En revanche, on peut s’entraîner à fournir un effort en s’étant préparé de différentes manières. Ainsi, aborder un cours, avec différents types d’échauffements, voire parfois sans échauffement, est fondamental dans la pratique martiale.

De la variété

En tant qu’enseignant la nature des préparations que je propose aux élèves varie beaucoup. Parfois il s’agit d’une routine d’étirements, parfois, de renforcement musculaire et parfois il n’y a pas d’échauffement. Ainsi que les résultats de la recherche scientifique semblent l’indiquer, il est extrêmement difficile de quantifier précisément tous les effets de tel ou tel exercice. Je considère donc que la vertu première de ces préparations toujours différentes est de s’habituer à la variété.

Connaître son corps nécessite de lui faire vivre des situations différentes. Gardons à l’esprit qu’il doit y avoir une certaine redondance dans cette variété afin que l’on puisse identifier ce qui fonctionne pour nous.

Malgré les circonstances

Il n’est pas possible de se trouver toujours dans le même état corporel. Certains jours nous sommes fatigués ou malades. Parfois des émotions négatives nous vident de notre énergie… S’il est nécessaire de rechercher des moyens d’éviter de tels états, il est évident que cela ne sera pas toujours possible puisque notre « zone de performance » est le quotidien et non le jour J de la compétition.

Il arrivera donc nécessairement un jour où il sera nécessaire d’être performant malgré les pires conditions. Tout notre entraînement consiste ainsi à trouver les moyens de produire un résultat quelles que soient les circonstances. C’est à ce point charnière que la différence entre le Budo et le sport se fait sentir. On a coutume de dire que le sport consiste à donner le meilleur de soi-même dans les meilleures conditions et le Budo malgré les pires conditions.

La préparation du corps

S’il existe la préparation pour la pratique à court terme, ce que l’on appelle « l’échauffement », il existe aussi la préparation à plus long terme. Le corps se doit d’être développé et entretenu afin de permettre la réalisation de la technique. Il est donc nécessaire de développer et d’entretenir sa musculature, ses articulations et ses tendons.

La technique supérieure

En Aïkido, on a tendance à voir la technique comme un ingrédient magique qui nous absout d’avoir un corps fort et disponible. Bien sûr la technique permet, par un subtil jeu de leviers, de prendre un avantage. Mais il ne faut pas oublier pour autant que c’est toujours le corps qui effectue la technique. L’esprit seul ne peut rien. Il est donc nécessaire d’avoir un corps dans le meilleur état possible si l’on veut jouir pleinement des bénéfices de la pratique.

Ainsi je constate que pour beaucoup de pratiquants qui cherchent à progresser, le meilleur conseil qu’on pourra leur offrir est de suivre une préparation physique.

Se muscler ?

Les pratiquants d’Aïkido ont souvent une image négative de l’effort musculaire. En effet, celui-ci est perçu comme superficiel et grossier. Il ne faut toutefois pas oublier que chaque mouvement que nous effectuons est permis par la contraction de muscles. Le fait que ces muscles sont contractés plus ou moins fortement nous donne des sensations différentes. Nous pouvons donc avoir l’impression de ne pas les utiliser mais, au sens strict, ceci est faux. Un mouvement, aussi complexe et fluide soit-il est toujours permis par la contraction et le relâchement de muscles. Ainsi, les développer intelligemment fait partie de la pratique.

S’adapter

Il me semble qu’un artiste martial est avant tout qualifié par sa capacité d’adaptation. Cela signifie qu’il est capable d’utiliser n’importe quel outil lui permettant d’atteindre son but.

Bien entendu cela ne doit pas se faire au détriment d’un minimum d’éthique. En revanche, il est dommage de se couper de sources de progression parce qu’on a une vision un peu trop romantique de la pratique.

Explorer

Les maîtres du passé étaient constamment en quête de moyens de s’améliorer. Les maîtres contemporains sont également souvent avides de nouvelles manières de s’entraîner. Nous avons la chance de vivre une époque où la recherche scientifique concernant le corps humain n’a jamais été aussi importante et où l’information circule énormément. Il serait dommage de se priver de telles sources.

La préparation est le lieu idéal pour explorer de nouveaux exercices corporels. On peut puiser dans cet espace de liberté pour nourrir le cœur de sa pratique. Ainsi un exercice d’échauffement inédit donnera peut-être une coloration nouvelle à la pratique et l’enrichira.

Préparer demain

Entretenir son corps, le préparer pour aujourd’hui, mais aussi pour demain et pour après-demain est fondamental. Cela nous permet d’entretenir notre santé, d’éviter les blessures, mais surtout de mieux profiter de chaque instant que nous avons la chance de vivre.

Cet article est initialement paru dans Self & Dragon Magazine Spécial Aïkido #7


Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s